Séparatismes
La République française, indivisible, laïque, démocratique et sociale, est confrontée depuis longtemps à des tentations centrifuges qualifiées successivement de cléricalisme, puis de communautarisme et aujourd’hui de séparatisme.
Face à ce danger, le président de la République a affirmé à l’occasion du 150e anniversaire de la Troisième République, que la « République n’admet aucune aventure séparatiste » et annonce une loi sur le sujet. Traitons donc tous les séparatismes, quels qu’ils soient, car ils sont multiples.
Le repli identitaire à base religieuse est une réalité. Il y a chez certains une incontestable instrumentalisation du religieux pour essayer de se soustraire aux lois de la République, imposer une organisation de fait séparatiste, et mettre en danger l’indivisibilité de la République. On observe du radicalisme croissant chez les islamistes, les hindouistes, les évangéliques, les juifs orthodoxes, les catholiques intégristes… Cette pression du religieux sur le politique, qui touche une partie du corps social et qui peut concerner tous les sujets (en particulier l’égalité entre les femmes et les hommes), toutes les religions et tous les territoires, doit être combattue sans faiblesse. Si la laïcité protège le droit de croire ou de ne pas croire des individus dès lors qu’il est le produit de leur liberté, le droit aussi de s’extraire de son groupe d’origine, il ne faut rien céder à ceux qui prétendent que les lois de leur Dieu sont supérieures aux lois de la République. La Ligue de l’enseignement, mouvement d’éducation populaire qui a grandement contribué, dès sa création, à faire partager le principe de laïcité par les citoyens en développant des actions culturelles, sportives, associatives ou encore de loisirs, a pris historiquement, prend aujourd’hui, et prendra demain toute sa part dans ce combat.
Mais la question sociale, qui n’explique certes pas toutes nos difficultés, permet tout de même d’en comprendre une part non négligeable. Aujourd’hui, les besoins économiques et sociaux fondamentaux de beaucoup de nos concitoyens ne sont pas satisfaits, une grande partie des
pauvres est concentrée dans certains territoires. Le repli sur soi est ici largement subi. Dans le même temps, certains riches, de plus en plus riches, font le choix de la sécession. Ce séparatisme social, subi par une partie de la population, mais voulu par une autre partie doit également être combattu, car il est un frein puissant à la cohésion sociale et est incompatible avec l’idéal républicain. Il façonne une France dans laquelle des classes sociales différentes se rencontrent de moins en moins, se parlent de moins en moins, les enfants sont de moins en moins scolarisés ensemble, et dans laquelle le « vivre ensemble » laïque risque de devenir une incantation qui ne rassure que ceux qui ne veulent rien voir. Le séparatisme des exilés fiscaux ou celui de ces communes qui préfèrent payer une amende plutôt que d’avoir leur quota de logements sociaux est aussi un problème pour la République. Et si pour un citoyen la fraternité républicaine est absente, alors la tentation est grande de se donner une identité et de se construire une fraternité alternative à travers son groupe religieux. La question religieuse peut donc recouvrir en partie la question sociale et la question identitaire. Quand la République recule et ne remplit plus ses obligations politiques, économiques et sociales, les religions, quelles qu’elles soient, avancent. Quand la République laisse faire ou, pire, organise l’entre-soi en finançant par exemple la concurrence privée de son enseignement public, elle se met en difficulté. Ce n’est pas tant la diversité culturelle qui menace l’unité de la société que l’inégalité persistante des conditions et les discriminations. Notre République a besoin de davantage de fraternité. La loi sur le séparatisme en préparation nous fera-t-elle progresser dans ce domaine ?
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